Tombez dans le comma avec les tempéraments mésotoniques
Le principe de tempérament est le suivant :
- plutôt que de trouver une nouvelle façon de construire une gamme, on garde la méthode existante (la gamme de Pythagore) ;
- on ajuste très légèrement la disposition des notes pour réduire la fausseté des intervalles.
En gros, on prends la gamme et on la bidouille pour qu'elle soit moins cassée.
Plutôt que de dire « bidouiller » — ça ne fait pas sérieux — on dit « tempérer ».
Une gamme construite ainsi est appelée un « tempérament ».
Nous allons étudier d'un peu plus près un certain type de tempérament : le tempérament mésotonique.
Voyons comment cela fonctionne en pratique.
Principe des tempéraments mésotoniques
Reprenons le schéma correspondant à la construction de la gamme de Pythagore.
En construisant la gamme de Pythagore, nous avons vu qu'il fallait empiler quatre quintes pour obtenir une note proche de la tierce.
(Observez le graphique précédent pour vous en convaincre : à partir de la note de départ, suivez les pointillés et comptez quatre quintes : do, sol, ré, la, mi. mi est bien la note qui se rapproche le plus de la tierce de do.)
Toutefois, la tierce pure représente un intervalle de 5/4 = 1.25, tandis que la tierce pythagoricienne vaut 81/64 = 1.27 et des poussières.
La différence entre les deux, bien visible. Elle équivaut à 81/64 - 5/4 = 81/80 = 1.0125.
Les théoricien·nes de la musique — qui ont un nom pour tout — parlent de comma syntonique.
La construction d'une gamme tempérée repose sur l'idée suivante :
puisqu'en empilant des quintes, j'obtiens une tierce trop grande, il suffit de légèrement diminuer ces quintes pour s'approcher de la tierce pure.
Et puisqu'il faut empiler quatre quintes pour obtenir une tierce, il suffit de diminuer chaque quinte d'un quart de comma syntonique (1.0125 / 4) pour que la quatrième quinte tombe pile sur la tierce.
C'est le tempérament mésotonique à quart de comma.
Procédons maintenant à quelques observations de cet ingénieux système.
Pourquoi « mésotonique » ?
On observe que :
- le ton s'obtient en empilant deux quintes (do -> sol -> ré) ;
- deux quintes de plus nous donnant la tierce (ré -> la -> mi).
Logiquement le ton divise exactement la tierce en deux ; autrement dit, l'intervalle do ~ ré est exactement le même que ré ~ mi.
D'où le nom de mésotonique.
Des tierces justes, d'autres non
Dans ce tempérament, toutes les tierces ne sont pas justes.
En construisant la gamme chromatique de Pythagore, nous avions vu que les notes altérées avaient des valeurs très proches.
(ex : do♯ et ré♭).
Cela nous permettait de n'en garder qu'une à chaque fois pour obtenir une gamme de douze notes.
Ce n'est plus vrai ici, ces notes altérées sont maintenant assez éloignées.
Cela signifie qu'en simplifiant la gamme pour ne garder que douze notes, nous allons nécessairement compromettre la justesse de certains intervalles.
Par exemple, les tierces :
- do ~ mi ;
- sol ~ si ;
- fa ~ la…
sont justes et valent exactement 5/4.
En revanche si l'on veut jouer la tierce do♯ ~ mi♯, eh bien c'est impossible puisque mi♯ ne fait pas partie de la gamme.
On doit se rabattre sur l'intervalle do♯ ~ fa, qui est assez éloigné d'une tierce pure.
En fait, cette gamme comporte un total de 8 tierces pures et 4 tierces fausses.
Quelle est la conséquence ?
Cela signifie que certaines tonalités seront jouables, mais d'autres non.
Exemple : la tonalité de do (la gamme diatonique bâtie en prenant do comme note initiale) contient les notes do, ré, mi, fa, sol, la, si.
Ici, toutes les tierces sont justes.
- do -> mi ;
- fa -> la ;
- sol -> si.
Par contre, si on sélectionne mi comme note de départ, la gamme diatonique est constituée des notes mi, fa♯, sol♯, la, si, do♯, mi♭ :
- mi -> sol♯ : juste ;
- la -> do♯ : juste ;
- si -> mi♭ : fausse.
Ainsi, le tempérament mésotonique permet la transposition, mais d'une manière limitée.
La quinte du loup est toujours présente
Le fait de raccourcir les quintes n'a pas supprimé le problème de la quinte du loup, qui doit toujours être évitée par les compositeurs et réduit les possibilités de transposition.
Conclusion
Les tempéraments mésotoniques représentent les premières tentatives d'arriver à un compromis : mieux vaut une gamme imparfaite mais polyvalente, plutôt qu'une gamme théoriquement pure mais inutilisable en pratique.
Ils sont restés d'usage pendant relativement longtemps, du XVIe au XIXe.
En résumé
Les tempéraments mésotoniques sont basés sur l'idée qui consiste à partir de la gamme de Pythagore et à légèrement diminuer certains intervalles pour améliorer la justesse des tierces.