Les tempéraments inégaux : Bach tape du poing sur la table
Les tempéraments inégaux (parfois appelés les « bons » tempéraments) représentent peut-être le summum du raffinement dans l'Histoire de la musique, et constituent la dernière étape historique avant de parvenir au système en vigueur aujourd'hui.
Encore une fois, derrière les tempéraments inégaux se cachent un principe qui a donné naissance à un nombre incalculable de gammes différentes, aussi nous étudierons uniquement l'idée globale sans nous attarder plus que nécessaire sur les détails.
L'art du compromis
Notre étude de l'apparition des gammes à travers l'Histoire semble montrer qu'il n'existe aucune solution idéale : toutes les gammes étudiées présentent divers inconvénients plus ou moins marqués :
- les tierces sont plus ou moins justes ;
- certaines tonalités sont accessibles mais d'autres non ;
- la quinte du loup « hurle » plus ou moins fort ;
- etc.
Dans tous les cas, il aura fallu trouver des compromis, en fonction des contraintes de l'époque.
Au XVIIIe, de très nombreux compositeurs se sont intéressés à ce problème et ont proposé leur propre méthode pour tempérer la gamme ; c'était à qui trouverait la gamme la plus polyvalente, la plus intéressante, etc.
Dans les tempéraments inégaux, on procède comme dans les tempéraments mésotoniques : on ajuste les intervalles de quintes pour améliorer la justesse des tierces ; toutefois, au lieu de raccourcir chaque quinte du même intervalle, on adapte quinte par quinte, certaines étant légèrement augmentées, d'autres légèrement diminuées. On comprend donc d'où vient le terme « tempérament inégal ».
Méthode de construction
Peut-on vraiment parler de méthode de construction ? Il s'agit ici de tempérer les quintes une par une « à la main », et il existe une infinité de façons de le faire. Quelques tempéraments spécifiques ont été utilisés au XVIIIe, de manière plus ou moins récurrente, mais leur étude n'aurait pas vraiment d'intérêt autre qu'historique.
Il est toutefois important de remarquer une chose : en ajustant les intervalles quinte par quinte, on obtient une gamme complètement irrégulière. La conséquence principale est la suivante : d'une tonalité à l'autre, il y a des intervalles un peu différents, ce qui donne à chaque gamme diatonique une « couleur » particulière.
D'aucuns diront que c'est le prix à payer pour faire en sorte que toutes les tonalités soient utilisables ; d'autres rétorqueront que non seulement ce n'est pas un problème, c'est même une source de richesse.
Bach, par exemple, s'est fait le champion du tempérament inégal avec son œuvre « Un clavier bien tempéré », un recueil de compositions écrites dans toutes les tonalités existantes.
Le même Bach, en revanche, n'a pas daigné laisser d'indication précise sur le tempérament utilisé dans ses propres compositions, toutefois les historiens penchent pour la solution suivante.
Les cinq quintes entre fa et mi sont légèrement diminuées ; les trois quintes entre mi et do♯ restent pures ; la quinte entre si♭ et fa est légèrement augmentée ; les dernières quintes sont très légèrement diminuées.
À ce stade, il faudra sans doute écouter très attentivement diverses interprétations des œuvres de Bach réalisées sur des tempéraments différents pour commencer à percevoir la différence, ce qui n'aura d'intérêt que pour les plus curieux·ses.
En résumé
Les tempéraments inégaux consistent à adapter la gamme quinte par quinte pour obtenir quelque chose de jouable dans toutes les tonalités.